Ca y est presque : J-14 avant le grand déconfinement progressif. Le gouvernement dévoile son plan aujourd’hui et je vous sens déjà dans les starting-blocks. Prêts à construire le monde d’après ? Je n’en doute pas un instant. Oui, mais lequel ? Sur Google, l’occurrence « Le monde d’après » fait remonter 764 millions de réponses à ce jour. Les prétendants au changement sont nombreux. Voilà qui fait beaucoup de monde(s).
Bien sûr, les appels au changement sont légitimes. Pour placer les exclus au premier rang du monde d’après (Entourage). Pour adopter des comportements écoresponsables en entreprise (Prowd). Pour s’orienter vers une société 100% écologique (On Est Prêt). Pour réconcilier le progrès et le vivant (Tek4Life). Pour une relance verte et sociétale du monde économique (Le Mouves). Pour remettre à plat le système en France et dans le monde (18 responsables de syndicats et d’associations). Ou pour construire un agenda citoyen qui donne une boussole à la société civile (collectif emmené par la Croix Rouge, le WWF et le Groupe SOS). C’en est trop, peut-être. Mais l’initiative rassembleuse de la Coalition 10% et du Haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire Christophe Itier, qui tente une fois de plus de relier les mondes avec cette tribune « Pas de monde d’après sans l’union de nos forces », me paraît particulièrement légitime.
Qui ne voudrait pas d’un nouveau monde, quand le précédent semble fichu. Déséquilibré. Inégalitaire. Injuste. Dangereux. Pourtant, j’ai du mal à croire à ce « monde d’après ». D’abord parce que les propositions fusent de toute part, au risque de la confusion. Ensuite, parce que les forces anciennes sont extrêmement puissantes et ne sont prêtes à rien lâcher, comme vient encore de la montrer le Medef. Enfin parce que l’espèce humaine est telle un scorpion, qui pique parce que c’est dans sa nature : la conquête du monde d’un côté, la crainte des fins de mois difficiles de l’autre, relèvent de nos instincts primaires et forgent tout notre système économique : travailler pour vivre, épargner pour prévoir, conquérir pour grandir. Comment croire que nos instincts disparaîtront demain ?
Nous n’effacerons pas le monde d’aujourd’hui, mais nous pouvons le transformer. Cette crise nous l’a clairement montré : ce qui est en jeu, c’est le rôle de l’Etat, la qualité des services publics et la reconnaissance des métiers essentiels. C’est aussi l’autonomie alimentaire et sanitaire, le savoir-faire industriel, ou la résilience des circuits locaux comme en témoignent plusieurs des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire que Mediatico a interviewés ces derniers jours. C’est également le retour de politiques sociales, plus urgentes que jamais. Il se pourrait que le président de la République en ait pris conscience.
J’ai du mal avec ce « monde d’après », parce qu’il est celui que défend déjà l’économie sociale et solidaire. Un monde empreint de valeurs sociales, de missions d’intérêt général, au service du plus grand nombre. Pas exempt de défauts, mais qui refuse au moins d’ausculter ses actions par le seul prisme du profit et qui prouve la résilience des projets participatifs ancrés sur leur territoire. Ce monde existe, confirme ce communiqué du mouvement coopératif. Il appartient pour l’heure à ceux qui bâtissent, aux entrepreneurs sociaux et environnementaux, à ceux qui font. Les « Faiseux » comme dit l’écrivain Alexandre Jardin.
Ils ne se bercent pas d’illusions en inventant un autre monde, ils veulent surtout réparer celui-ci pour qu’il ne soit « plus comme avant ». Une partie d’entre eux a précisément publié hier cette tribune « #nomorebusinessasusual », à l’initiative d’un collectif d’entrepreneurs et d’acteurs engagés. Ils ne se contentent pas d’incantations. Ils proposent 10 axes de transformation des entreprises, incarnés par des actions concrètes. Ce sont des Faiseux, c’est ce qui a poussé Mediatico à en devenir co-signataire. Soyons tous des Faiseux !