Si les moyens budgétaires de l’Etat ne sont pas au rendez-vous pour l’ESS, comment l’économie sociale et solidaire pourrait-elle inspirer et transformer le reste de l’économie ? Interrogé par Mediatico sur le plateau de l’émission ESS On Air, Hugues Sibille est venu porter une vision large sur l’avenir de l’économie sociale et solidaire, dans un contexte à la fois politique, démocratique et budgétaire pour le moins incertain.
Président du Labo de l’ESS, un think tank qui travaille actuellement sur l’avenir du travail, de la démocratie et de notre modèle économique, Hugues Sibille a approché de très près dans sa carrière le pouvoir politique. En tant que conseiller ministériel de Martine Aubry, d’abord. Puis comme délégué interministériel à l’économie sociale, durant trois ans, sous Lionel Jospin. Plus récemment, il a travaillé avec Michel Barnier lorsque ce dernier était Commissaire européen. Hugues Sibille souligne que Michel Barnier avait manifesté des convictions fortes pour l’ESS et rappelle qu’il avait relancé l’économie sociale et solidaire à l’échelle européenne…
Les priorités doivent être l’éducation et la santé
En voyant aujourd’hui le gouvernement Barnier se débattre dans une équation budgétaire, politique et démocratique inextricable, Hugues Sibille appelle le Premier ministre Michel Barnier à se référer aux fondements du « gaullisme social » et à changer radicalement de référentiel face à un capitalisme à bout de souffle. Face aux questions budgétaires de plus court terme, il l’invite aussi à tout miser sur la santé et l’éducation, « les deux grandes priorités de l’humanité ». Or, voilà qui justifie que l’on ne touche pas aux budgets affectés à l’économie sociale et solidaire, qui est au coeur de ces deux sujets prioritaires, défend Hugues Sibille.
« Je regarde le budget 2025 avec anxiété, mais comment en est-on arrivé à découvrir au dernier moment que le déficit budgétaire atteint 6% du PIB », interroge-t-il ? Alors que le débat budgétaire réduit de toutes parts les crédits affectés à la solidarité, les critiques fusent dans l’économie sociale et solidaire : le secteur de l’insertion par l’activité économique craint pour ses emplois, les fondations redoutent un changement de fiscalité qui fragiliserait la collecte de dons, l’éducation populaire ne peut plus financer ses emplois et doit fermer des activités… Mais, « l’impact sur les collectivités locales est ce qui m’inquiète le plus », complète Hugues Sibille, car voilà qui promet déjà d’étrangler nombre d’associations locales.
« Les acteurs de l’ESS doivent toujours espérer en l’avenir »
Pour autant, pas question de sombrer dans le pessimisme ! L’avenir passera par la coopération, défend d’abord Hugues Sibille. Ancien vice-président du Crédit Coopératif, artisan de la loi qui a défini le statut des sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic), il l’assure : « Oui, la coopérative peut devenir LE modèle des entreprises de demain » ! Par ailleurs, même si l’Etat est en crise, « j’ai confiance, car la société civile sera toujours là », poursuit-il.
L’ESS doit aujourd’hui trouver les moyens de mobiliser largement, pour inspirer et transformer le reste de l’économie malgré des moyens budgétaires réduits. « Nous ne sommes pas une économie subventionnée, nous sommes des entrepreneurs : à nous de trouver les modèles économiques qui conviennent », assure-t-il.
Europe de l’ESS : La France devient retardataire
Enfin, l’avenir passera par l’Europe et l’international. L’économie sociale et solidaire est aujourd’hui reconnue à Bruxelles, à l’ONU, à l’OIT… Mais si la France a longtemps fait figure de modèle en Europe sur l’économie sociale, la Commission de Bruxelles a considérablement avancé ces dernières années… sous l’impulsion notamment de Michel Barnier et du Luxembourgeois Nicolas Schmit.
L’Europe a d’ailleurs tant avancé sur l’ESS que la France fait désormais figure de retardataire : la Commission de Bruxelles attend en effet que la France lui communique sa stratégie en matière d’économie sociale et solidaire, mais le document tarde à venir. La ministre déléguée Marie-Agnès Poussier-Winsback y travaille, assure-t-on à Bercy. Elle vient de s’engager à remettre sa copie à… fin 2025. Si elle est toujours au gouvernement, bien sûr.