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Sandrine Andreini : « Si la Réserve des Arts meurt, qu’adviendra-t-il de la transition écologique dans la culture ? »

Malgré le déconfinement, la Réserve des Arts est à l’arrêt aujourd’hui encore. Rare incarnation sur le territoire français d’une économie circulaire à l’oeuvre dans le secteur évènementiel et culturel, cette ressourcerie spécialisée n’a pas encore relancé ses activités de collecte auprès des structures évènementielles, elles aussi à l’arrêt, ni rouvert son espace de vente de matériaux aux artistes adhérents, ni relancé ses ateliers de fabrication qui permettent de partager les savoirs-faire. Et pour cause : les règles sanitaires priment sur tout le reste. Dans une ressourcerie, il convient avant tout gérer les flux de matières et les flux de personnes.

« En 2019, nous avons connu une croissance très rapide, que cette crise rend difficile à stabiliser », explique Sandrine Andreini, directrice de la Réserve des Arts, dans cette interview vidéo. En fait de croissance, l’association, qui disposait déjà depuis 2013 d’une boutique de 130 m2 à Paris 14e et d’un entrepôt de 1.500 m2 à Pantin, a augmenté fin 2019 sa superficie de 3.000 m2 supplémentaires.

« Cela représente 40.000€ de loyers par mois« , et même 90.000€ de charges fixes mensuelles en incluant les salaires, car « cette croissance géométrique s’accompagne d’une croissance des effectifs« , précise Sandrine Andreini. Or, avec un chiffre d’affaires ramené à zéro, impossible d’équilibrer le modèle économique !

« Le problème, c’est que nous sommes une association »

Bien sûr, la trésorerie est temporairement soulagée grâce aux mesures de chômage partiel et au report du paiement des loyers. Mais la visibilité financière ne dépasse pas deux mois, comme dans la plupart des structures de l’économie sociale et solidaire. L’activité devrait reprendre progressivement à partir du mois de juin. Mais les difficultés sont à venir. Le prêt garanti par l’Etat, à hauteur de 50.000 euros, devra être remboursé. Comme toutes les échéances qui ont pour l’heure été reportées.

« Le problème, c’est que nous sommes une association : nous n’avons pas d’investisseurs, nous n’avons pas vocation à être rentable, nous devons juste être solidaires du secteur culturel« , détaille Sandrine Andreini. Si le modèle économique fonctionne, l’objectif est donc de baisser encore les prix de vente, ou encore de développer une plateforme de mise en relation entre les professionnels du luxe qui pourraient recruter des professionnels du secteur culturel. Mais la Réserve des Arts, autofinancée à plus de 90% depuis quatre ans et louée pour ce tour de force, risque aujourd’hui de payer le prix d’une réussite économique encore fragile.

Un positionnement unique, sanctionné par l’absence de subventions

La situation des autres ressourceries en France n’est guère plus enviable. Pour preuve, l’ensemble du réseau Emmaüs a lancé lui aussi un vibrant appel à l’aide. En France, les « ressourceries », terme qui relève d’une marque déposée, ainsi que les autres recycleries dont le rôle est de sensibiliser, collecter, valoriser et revendre des objets de seconde main, obtiennent parfois des subventions au titre des politiques régionales de réduction des déchets grand public, ou au titre de l’accompagnement des personnels en insertion. Mais la Réserve des Arts, qui collecte des déchets uniquement professionnels et qui n’est pas une structure d’insertion, n’en perçoit pas.

« Comme d’habitude, nous sortons de la norme, regrette Sandrine Andreini, cela met en risque l’innovation de la Réserve des Arts qui consiste à accompagner le secteur culturel dans sa transition écologique« . Aujourd’hui, seules 4 structures en France sont positionnées sur ce créneau. Un savoir-faire précieux. « Si nous mourons, nous ne savons pas ce qu’il adviendra ensuite, nous cherchons donc un fonds de sauvegarde pour amortir nos pertes d’exploitation ».

« Nous maintenir en vie, c’est soutenir 7.600 adhérents créateurs du secteur culturel »

La Réserve des Arts se projette néanmoins vers un avenir… incertain. Elle a profité du confinement pour remettre à plat ses procédures d’accueil du public et de sécurité sanitaire, pour questionner ses adhérents sur les valeurs et les missions de l’association, pour préparer un dispositif de vente en ligne qui va diversifier sa clientèle et, au final, pour réasseoir toute sa stratégie de développement. A l’heure qu’il est, 94% des adhérents de l’association sont des individuels, les 6% restant sont des structures au pouvoir d’achat plus solide. « Demain, assure Sandrine, il va falloir aller chercher les plus gros pour survivre et rester solidaire avec les plus petits« .

Surtout, l’association se lance à présent dans un vigoureux plaidoyer, qui vise à défendre la place essentielle de la Réserve des Arts dans « le monde d’après », où le système productif devra impérativement être relocalisé et circulaire. Soutenue par une motivation très forte des salariés, Sandrine Andreini argumente pied à pied : « Dans le secteur culturel, il faut soutenir les artistes, les micro-entrepreneurs, tous ceux qui passent entre mailles du filet et qui ne sont jamais soutenus. Et c’est important de nous maintenir en vie, parce que derrière nous, ce sont 7.600 adhérents créateurs que nous soutenons« . La Réserve des Arts, vecteur de soutien, de relance de l’emploi et de l’activé locale… Une pépite pour le secteur culturel et celui du spectacle vivant.

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