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Loi Travail, c’est reparti !

Plein cap sur le plein emploi ! Engagement de campagne d’Emmanuel Macron, voilà désormais « LA » grande affaire du nouveau ministre du Travail, Olivier Dussopt, trop heureux de relever le défi présidentiel. À ses côtés, le haut-commissaire à l’Emploi et à l’Engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, est à la manœuvre. Jadis directeur général du groupe Arès, bien connu dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, il connaît parfaitement le défi de l’insertion des publics éloignés de l’emploi.

L’objectif est d’aboutir à une « grande loi » à l’été 2023 et de réformer le service public de l’emploi. Celui-ci est jugé inadapté, inefficace, donc trop coûteux. En 2017, l’INSEE nous nous apprenait-elle pas que seuls 9% des chômeurs retrouvent un emploi… grâce à Pôle Emploi ? Alors soit, réformons. Tout n’aurait pas été essayé, paraît-il, pour lutter contre le chômage.

Le chantier « France Travail » est donc lancé. Avec la concertation pour méthode. Mais les partenaires sociaux accepteront-ils de concerter, alors que la plupart sont déjà bien remontés contre l’obligation de devoir bientôt travailler 15 à 20h par semaine pour pouvoir toucher le RSA ? Quant à l’éclatement parlementaire, ne viendra-t-il pas affadir le projet de loi ? C’est bien là toute la question. La mobilisation du gouvernement est donc totale.

La semaine dernière, Marlène Schiappa était déjà sur le front. La secrétaire d’État chargée de la Vie associative et de l’Économie sociale et solidaire affirmait que la validation des acquis de l’expérience (VAE) était insuffisamment connue des 13 millions de bénévoles associatifs. Assurément, Marlène Schiappa a de la suite dans les idées. En 2017, elle soutenait déjà l’accès des jeunes parents à des diplômes petite enfance grâce à la VAE.

Il faut dire que la validation des acquis de l’expérience (VAE), qui permet d’obtenir l’équivalence d’un diplôme après une longue expérience de terrain, serait particulièrement pertinente dans les secteurs en tension. Par exemple, elle pourrait s’adresser aux aidants familiaux, qui prennent leurs proches en charge tous les jours. Pour autant, la première réforme à conduire serait alors celle de la VAE elle-même. La validation des acquis de l’expérience est déjà si complexe à obtenir pour les salariés non diplômés qui la demandent.

Mais dans ce cas, le gouvernement devrait aussi appuyer sans sourciller France Bénévolat, dont le Passeport Bénévole fait depuis longtemps la part belle à la VAE dans le monde associatif. Un outil simple qui mériterait amplement une campagne de promotion nationale, car la reconnaissance des compétences acquises au fil du temps que l’on offre dans le secteur associatif vaut parfois largement une formation certifiante.

Enfin, l’expérimentation Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD) doit être déployée à large échelle. Si le gouvernement veut vraiment tout essayer contre le chômage. L’expérience consiste à « activer les dépenses passives du chômage », autrement dit à utiliser l’argent initialement destiné à indemniser les chômeurs, afin de subventionner la création d’emplois durables dans des « entreprises à but d’emploi » (EBE). Initiée en 2011, mise en œuvre en 2017 sur 10 territoires par différents acteurs de l’économie sociale et solidaire pour lutter contre le chômage de longue durée, elle n’a été étendue en 2020 qu’à 60 territoires… à horizon 2026. Il est vraiment temps d’accélérer !

Mais à l’heure de la sobriété générale, une question de fond judicieuse nous est posée par Eloi Laurent, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Dans L’Obs, cette semaine, il relève une contradiction profonde entre la sobriété à laquelle nous appelle le gouvernement et la recherche du plein emploi. En 2016, opposé à la précédente Loi Travail, il assurait : « En 40 ans, aucune baisse du chômage n’a jamais été liée à la flexibilité ». En 2020, en plein Covid, il proposait d’orienter la politique vers la « pleine santé », plutôt que vers le plein emploi.

Aujourd’hui, Éloi Laurent nous alerte contre de nouvelles fausses solutions. Par exemple, contre la loi pouvoir d’achat qui « contient des subventions massives aux énergies fossiles ». Ou encore contre un objectif de plein emploi irréfléchi et non cadré au plan écologique. Sans garde-fous, le plein emploi alimentera la surconsommation dans un système illusoirement voué à une croissance infinie.

Et L’Obs de résumer : « Peut-on être sobre sans s’appauvrir ? Oui, répond l’économiste Eloi Laurent. Selon lui, c’est la croissance qui nous coûte cher, avec des effets nocifs sur la santé, le bien-être et la planète ».


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