« SA PETE. » J’adore l’expression ! En six lettres, nos amis réunionnais ont tout dit. La mobilisation associative du 11 octobre que lance le Mouvement Associatif est d’une rareté exceptionnelle, qui lui donne d’autant plus de force. Non, jamais la Ve République n’a connu tel appel à mobilisation de la société civile. Un appel « historique », assure Benoît Hamon dans notre dernière émission ESS On Air (voir l’émission). Car nos associations sont éreintées. Et nos bénévoles sont épuisés.
C’est donc un grondement sourd qui monte de tous les territoires de France. Cet appel à mobilisation est adressé à 700.000 associations, qui se préparent à faire entendre leur voix contre la politique du rejet, de l’exclusion, du dénigrement et des pansements provisoires. Car le pouvoir a trop tiré sur la corde. Mais plus qu’un simple appel à manifester, la journée du 11 octobre veut être le symbole d’un tournant dans la reconnaissance du rôle vital du secteur associatif — sur le terrain, dans les territoires, dans les quartiers — face à une triple crise de financement, de reconnaissance et de confiance.
La mobilisation sera-t-elle un succès ? Nous allons voir ensemble les formes de mobilisation possibles, mais ne soyons pas présomptueux. Les bénévoles n’ont pas forcément de culture syndicale. Et les salariés d’associations mettent toujours un point d’honneur à rester sur le terrain, pour être comme toujours utiles au plus grand nombre. Mais, même à faible participation, je sais que la journée du 11 octobre est déjà un succès. Car le Mouvement Associatif a réussi à faire passer ce message dans tous ses réseaux, et il est largement partagé : « Ca ne tient plus ».
Un cri d’alarme national
Tous les témoignages convergent. « Les associations font partie de notre quotidien… et pourtant, nous traversons une crise sans précédent », explique Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif. Diminution des subventions, augmentation des contraintes administratives, fragilité des emplois associatifs, essor des besoins sociaux, tout en supportant un quasi mépris institutionnel.
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Martin Bobel, vice-président du Mouvement associatif et conseiller au CESE, pointe la question de l’emploi : « Le budget 2025 met en danger plus de 150 000 salariés associatifs. Un plan social silencieux qui frappe celles et ceux qui dédient leur travail et leur vie aux autres, dans l’intérêt général (…) Le 11 octobre, on exige fièrement que les associations ne soient pas sacrifiées sur l’autel des coupes budgétaires. »
Une pluralité d’acteurs, une coalition visible
Ce qui me frappe dans la mobilisation du 11 octobre, c’est le foisonnement des structures qui se disent directement concernées : fédérations, réseaux, acteurs locaux, associations sectorielles et territoriales… Chaque collectif y met son regard, son angle de crise, sa légitimité.
Ici, le Réseau des Ressourceries et Recycleries Nouvelle-Aquitaine alerte ses membres. Là, ce sont les Unions départementales des associations familiales, le Collectif des associations citoyennes, la Fédération générale des PEP, les Associations féministes d’Angoulême, l’association Clé de Parthenay en liquidation judiciaire depuis une semaine, l’association d’insertion INAÉ de Nouvelle-Aquitaine, le réseau d’initiatives étudiantes Animafac…
La Fédération des Centres Sociaux des Pays Picards lance un appel à marcher, parce que « les centres sociaux bricolent, rafistolent, recollent les morceaux… Mais jusqu’à quand ? ». Sullivan Maisonneuve, directeur de l’Association des Centres Sociaux de Wattrelos, renchérit : « Samedi 11 octobre, nous marcherons encore plus nombreux qu’en 2024 [face à la montée de l’extrême-droite aux élections législatives, NDLR], accompagnés d’associations du sport, de la culture, de la santé… pour que nos voix ne s’éteignent pas ».
La Ligue de l’enseignement rappelle l’importance de soutenir le volontariat et la jeunesse : « Pour les +2 200 structures que nous accompagnons, le 11 octobre c’est aussi défendre le service civique », victime lui aussi de coupes budgétaires. Le Conseil national des radios associatives (CNRA) dénonce pour sa part la mise en péril du pluralisme de l’information qui permet aux citoyens de se forger une opinion : « La diminution des moyens met en péril le service rendu aux territoires et le lien social. »
Terre & Humanisme, acteur de la transition écologique et de l’agroécologie territoriale, alerte sur la fragilisation de son écosystème local : « Un tissu associatif fort est aujourd’hui au bord de l’asphyxie en Ardèche, qui compte 8 500 associations et 80 000 bénévoles… mais avec des contraintes croissantes. » Et le Réseau National des Maisons des Associations (RNMA) insiste à nouveau sur le rôle structurel des associations : « Les conditions d’action se dégradent : baisse de subventions, menaces sur les libertés, suppression d’emplois aidés… Beaucoup de freins qui mettent en péril leurs missions d’intérêt général. »
Trois enjeux imbriqués : financement, reconnaissance, territoire
Toutes ces voix convergent vers un message central : le monde associatif est à cran. La société, les pouvoirs publics et les médias doivent prendre la mesure et comprendre que cette mobilisation est centrée sur trois enjeux imbriqués :
1. Le financement : de la subvention au budget public
Les associations dénoncent une érosion continue des financements publics, à la fois nationaux et locaux. Certaines structures ne parviennent plus à assurer les missions qu’elles ont elles-mêmes identifiées ou que les pouvoirs publics leur ont jadis demandé de remplir. Le 11 octobre, les manifestants réclameront notamment le gel de la baisse de subventions, mais aussi la mise en place de financements pluriannuels stables, ainsi que la reconnaissance officielle du rôle contributif des associations aux missions de service public.
2. La reconnaissance politique et symbolique
Dans plusieurs prises de parole, la défiance de l’État et des collectivités à l’égard des associations est manifeste. La signature du « Contrat d’Engagement Républicain », mis en place pour lutter contre l’islamisme radical, est aujourd’hui obligatoire pour pouvoir obtenir des subventions, le prêt d’une salle municipale ou l’accueil d’un jeune en service civique. « Avec le Contrat d’Engagement Républicain, c’est la confiance à priori de l’État envers les citoyens qui se voit entachée », estime Martin Bobel, alors que les associations demandent à être reconnues comme « partenaires » des politiques publiques.
3. Les territoires face à l’érosion du maillage local
Enfin, puisque beaucoup de structures associatives agissent dans les milieux ruraux, les quartiers prioritaires et les zones reléguées ou peu dotées, les associations revendiquent un retour du rôle des collectivités locales. Elles agissent de leur mieux face au manque de mobilités, face à l’isolement, à l’absence d’infrastructures, aux déserts numériques ou médicaux. Mais les associations ne peuvent pas tout. Un soutien logistique, la mise à disposition d’espaces, l’aide à la mutualisation, les exonérations ou les partenariats stables sont indispensables avec les collectivités locales. Or, celles-ci ont été dépossédées de nombreuses prérogatives et ne parviennent plus, elles non plus, à faire face.
Quelles actions les associations préparent-elles le 11 octobre ?
Votre association voudrait participer, mais vous ne savent pas comment faire ? Voici un petit panorama des actions déjà annoncées ou pratiquées dans différents territoires. Ces exemples peuvent servir de modèles, ou être adaptés selon vos moyens.
Mode d’action Exemple observé Force de l’action Grand rassemblement national Place de Stalingrad (Paris) de 14h à 17h Donner un éclairage médiatique national, symboliser l’unité Manifestations locales Lille : marche des centres sociaux ; Ardèche : rassemblement territorial Mobiliser sur les territoires, toucher les médias locaux Stands / villages associatifs Tractages et échanges sur les places des villes, marchés, espaces publics Faire connaître les associations présentes, échanger avec le public Conférences de presse régionales En régions (Bourgogne, PACA, Grand Est…), les jours précédents Sensibiliser les médias locaux, interpeller les élus régionaux Témoignages de terrain Salariés, bénévoles, usagers racontent leurs difficultés Humaniser la crise, provoquer l’empathie Campagnes numériques Hashtag #ÇaNeTientPlus, relais visuels, vidéos, pétitions, message aux adhérents Amplifier l’impact social, mobiliser les réseaux Interpeller les élu·es locaux Envoi de courriers, RDV, pétitions auprès des maires, conseillers départementaux Créer des obligations locales de soutien Opérations “porte ouverte” Inviter les habitants à découvrir une asso, visite, stands, ateliers Faire apparaître ce que fait l’association, tisser le lien local Actions culturelles ou symboliques Spectacles, flash mobs, expositions, performances publiques Attirer un auditoire plus large, toucher les médias culturels Mobilisation des jeunes / service civique Présence d’Animafac, associations étudiantes au rassemblement parisien Donner de la visibilité au rôle jeunesse dans le mouvement
Certaines associations plus ambitieuses pourront mener plusieurs actions simultanément, ou combiner stand + marche + communication numérique. L’important, c’est d’agir avec ce que l’on a, là où l’on est, dans sa communauté.
Faites du 11 octobre une date charnière
Le bénévolat associatif peut sembler récréatif, mais il est avant tout un acte solidaire et citoyen. Sa contribution à la stabilité et à la richesse de notre pays est considérable, même les économistes le reconnaissent. Pour cette raison, le 11 octobre ne doit pas rester un cri isolé. Il doit devenir un tournant ! Si les associations — petites ou grandes — se mettent en mouvement ensemble, elles peuvent transformer l’actuelle vulnérabilité collective en exigence démocratique forte.
La journée du 11 octobre est l’occasion d’affirmer que sans associations, la vie locale s’effondre. Que sans soutien politique, l’intérêt général recule. Que sans changement structurel, ce ne sont pas seulement des associations qui disparaîtront, mais des pans entiers de solidarité, de citoyenneté et de lien social qui s’effondreront.
Chaque bénévole et chaque structure, même modeste, peut trouver sa place samedi prochain. Relayez, manifestez, organisez, racontez, témoignez. Le 11 octobre doit être le moment où le monde associatif fait entendre sa voix, son poids, son utilité, sa dignité. Et où la société découvre que les associations n’ont rien à voir avec le superflu. Nos associations sont vitales au pays !
Allez, un dernier pour la route : « Toush pa nout band zasosiasyon, mobiliz a nou ».
Il faut vraiment que j’aille un jour à La Réunion !


