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Journée du refus de la misère : contre la maltraitance sociale et institutionnelle

« Salauds de pauvres ! », gouaillait Coluche dans les années 80. Choquant, pensez-vous ? Précurseur, croyez-vous ? L’humoriste reprenait là l’invective de Jean Gabin, dans le film « La traversée de Paris » de Claude Autant-Lara (1956), film qui brossait un portrait peu glorieux des artisans du marché noir dans une France occupée. Les temps ont-ils beaucoup changé ? 

En 2024, la précarité alimentaire explose. Chez les étudiants. Les retraités. Les travailleurs pauvres. Et tous les « invisibles ». Dans notre société fracturée, à l’heure où le gouvernement Barnier veut s’attaquer à la « fraude sociale » plus qu’à la fraude fiscale, le fossé entre riches et pauvres se creuse chaque jour. La pauvreté s’accroît. La misère s’installe durablement. Plus de 9 millions de Français, désormais, vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, que l’INSEE établit à 1.216 euros par mois. Les Restos du Coeur, que Coluche aurait voulus éphémères, ne pourront pas fermer leurs portes. Et l’association ATD Quart Monde, qui a fait de la lutte contre la pauvreté son combat, s’en mêle évidemment !

Ainsi, chaque année, le 17 octobre est institué « Journée mondiale du refus de la misère ». Une journée adoptée par l’ONU en 1992, mais inventée dès 1987 par Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart Monde, qui avait rassemblé ce jour-là des dizaines de milliers de personnes sur le Parvis des Droits de l’Homme à Paris, pour dire que la misère est une violation des droits humains. 

Maltraitance sociale, ou institutionnelle ?

Chaque année donc, ATD Quart-Monde publie « Résistances », le journal du refus de la misère co-signé par 27 organisations associatives et syndicales. Pour dire que le « Quart-Monde » est le monde des pauvres en bas de chez nous, plus proche que le « Tiers-Monde » qui qualifiait hier les pays du Sud les plus pauvres. Pour rappeler aussi à nos décideurs politiques que la misère n’est pas une fatalité, qu’elle se combat par la fiscalité et par les politiques publiques. Pour dénoncer enfin les idées reçues contre la pauvreté, qui peuvent circuler si facilement dans nos esprits, surtout à l’heure des réseaux sociaux et de l’extrême-droite désinhibée.

Car il est FAUX de dire que les pauvres sont des fraudeurs et qu’il faut les contrôler. Il est FAUX de dire qu’il suffit de demander ses droits pour pouvoir y accéder. Il est FAUX de dire que la mixité sociale nuit à la réussite scolaire des plus favorisés. Et il est FAUX de dire qu’il faut responsabiliser les gens pour qu’ils sortent de la pauvreté puisqu’il n’y a pas de droits sans devoirs. Notre Constitution affirme un principe : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». La Constitution ne parle ni de ruissellement par le haut, ni de traverser la rue pour trouver un emploi.

Cette année, « Agir ensemble contre la maltraitance sociale et institutionnelle » sera donc le thème de la campagne d’ATD Quart-Monde. Un thème-reflet d’une époque, que l’édito du journal « Résistances » résume ainsi : « Ils sont contrôlés, surveillés, soupçonnés de frauder les “allocs », de ne pas chercher de travail, de laisser traîner dehors leurs enfants, de ne pas suivre leur scolarité, etc. Dans le monde entier, les pauvres sont victimes d’une double maltraitance : sociale et institutionnelle. Sociale, par la stigmatisation, qui les rend responsables de leur situation. Institutionnelle, par des politiques publiques qui renforcent les conditions et les règles toujours plus strictes pour accéder à leurs droits ». Bruno Retailleau, entends-tu ?

La maltraitance institutionnelle, c’est l’ensemble des traitements inadaptés ou violents liés au fonctionnement des institutions, portant atteinte aux droits et à la dignité des personnes, définit ATD Quart-Monde. Exemples ? La perte des minima sociaux pour un dysfonctionnement administratif. La dématérialisation des services publics sans autre recours. Le recul des droits dans le domaine du logement. Le conditionnement du RSA à 15 ou 20h d’activité. Le recul des droits pour les personnes immigrées non régularisées, tels que la CMU. L’injonction à assumer ses responsabilités et à se prendre en main face à la pauvreté… 

La création d’un « revenu minimum insaisissable » 

Les 27 organisations signataires « refusent » que les divisions soient attisées, « dénoncent » toujours plus de contrôle et moins d’accompagnement, demandent plus de moyens pour le social, veulent changer les regards qui dressent les uns contre les autres, appellent chacun d’entre nous à aller « vers un monde où chacun aura sa place et sera traité avec une égale dignité ». 

Surtout, ATD Quart-Monde propose de venir à bout de la maltraitance institutionnelle avec des actions fortes. A commencer par démonter les 16 mécanismes identifiés générateurs de cette maltraitance, sans attaquer pour autant les professionnels ou les institutions, pour montrer qu’elle ressort d’un phénomène systémique. En poursuivant par la mise en place d’indicateurs qui permettraient de mesurer concrètement la maltraitance institutionnelle.

Mais aussi en proposant la création d’un « revenu minimum insaisissable », qui ne pourrait être ni coupé, ni diminué, ni prélevé d’autorité, pas même par la justice, par la banque ou par les créanciers. Son montant pourrait être de 965 euros par mois pour une personne seule, soit 50% du revenu médian, contre 635 euros actuellement pour le RSA. Afin que les professionnels puissent véritablement se consacrer à l’accompagnement, plutôt qu’à la gestion des urgences. Et pour que chacun ait enfin des moyens convenables d’existence. 

Retrouvez le site Internet d’ATD Quart-Monde consacré à cette campagne

Participer à la collecte d’ATD Quart-Monde pour soutenir cette campagne :

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